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2018-06-11T17:41:49+02:00

Les psy, des barbus insensibles?

Publié par Florence Beuken


 

S. Freud. Psy. Barbu.

Quand je vois les questions que l’on me pose avant de sauter le pas, ou quand j’écoute les personnes autour de moi qui me racontent les craintes qu’elles ont eues ou ont encore, je me dis qu’il y a encore du chemin à faire pour démystifier cette profession.
Pour ma part, non je n’ai pas de barbe, non je ne vous tourne pas le dos en marmonnant des mhmh toutes les deux minutes et oui,
il m’arrive d’être tour à tour émue, touchée, horrifiée par vos histoires et vos souvenirs. Et, je peux vous assurer que je ne suis pas une exception à la règle.

 



La juste distance, ou la juste proximité

Quand je suis arrivée dans la profession, après mes études, je « savais » qu’il fallait écouter avec bienveillance, tout en gardant une distance, parce que bon on était des professionnels et il ne fallait pas se laisser bouffer par les émotions des personnes qu’on accompagne. On me disait « il faut être fort pour faire ce métier, moi je ne pourrais pas. »
Ce n’est que plus tard que j’ai compris que la vraie force c’était d’être soi, un être humain, qui vibre aussi, qui entre complètement dans l’histoire de la personne qu’il accompagne… mais qui peut ressortir aussitôt la tête au dehors pour apporter un éclairage différent.
Je crois que c’est là toute la subtilité : on est dedans, dehors, dedans, dehors sans cesse.
Etre dehors, comme je le croyais, ça fait de toi un bon technicien. Mais pour être un bon professionnel de la relation d’aide (parce que ça va au-delà des psy), il faut aussi être dans ce relationnel, cette empathie.
Dans le jargon professionnel, on parle de « juste distance »… Je préférerais "juste proximité". Parce que je me sens vraiment proche des personnes qui viennent me voir au cabinet. J’ai beau avoir parfois des soucis, dès que la porte se referme, je suis dans une bulle avec eux, je suis à 100% là pour eux.

Mais quelles sont ces ressentis qu’un psy va éprouver ?

Et bien, il y en a des tas. Je pense que ceux qui reviennent le plus souvent sont l’empathie, la joie, la tristesse, la confrontation des valeurs, l’attachement. Parfois il y a de l’agacement aussi, je l’avoue, puis le choc ou même la peur, même si ça reste très anecdotique.

L’empathie, c’est la base. C’est me mettre en vibration avec les personnes, à la fois pour les comprendre et pour saisir la subtilité des émotions ressenties. Sans ça, je suis un robot.

J’ai souvent ressenti de la joie : cette personne qui retrouve un boulot top après un long processus pour sortir du burn out, cette maman qui était venue me voir pour se remettre d’une fausse couche et qui, après une nouvelle grossesse me décrit un tableau complice entre ses deux fils, tableau tellement joli après beaucoup de souffrances, que je sentais que mes yeux devaient briller… J’ai été triste avec ce mari qui malgré ses efforts pour reconquérir son épouse sentait bien qu’elle lui échappait. La joie de voir les réussites, les défis remportés, de voir que la thérapie n’a plus lieu d’être dans ces moments-là, c’est de la joie pour eux, et un sentiment d’avoir été utile qui se mélangent, c’est extra !

Parfois j’entends des histoires qui sont contraires à mes valeurs, des choses que moi je ne ferais pas. Des choses pour lesquelles je me souviens avoir dit à mes amis « je suis désolée, mais ces choses là je ne me sens pas capable de les recevoir, ça me touche trop ». Mais dans cette bulle sécurisée du cabinet, je suis avec les personnes, je les accueille comme elles sont, avec ce qu’elles choisissent. Alors ça fait un truc bizarre dans le ventre quand même, parce que tu dis que c’est compliqué, mais tu écoutes, tu soutiens, tu comprends… Comme cette fois où j’ai accompagné un papa à finalement ne pas reconnaître sa fille de 3 ans qui ne l’avait jamais vu. Et l’histoire m’a prouvé une fois de plus que « la solution est en vous », pas en moi, parce qu’il se connaissait suffisamment, cet homme, pour ne pas donner d’espoir à un enfant en entrant puis ressortant dans sa vie, happé par ses démons.

C’est toujours une déception aussi de voir que la thérapie n’a pas mené là où on pensait que c’était le meilleur.
Quand ce couple que je voyais se rapprocher à nouveau au fil des mois a décidé de se séparer parce que finalement l’amour s’était déjà fait la malle, j’en ai pleuré en rentrant chez moi. Ou quand cette maman ex-toxicomane a décidé d’arrêter sa cure et retourner dans son milieu où elle retrouverait probablement la drogue tôt ou tard. Ce n’était simplement pas le moment pour elle, elle est d’ailleurs revenue plus tard. Mais sur le moment, c’est dur. Mais on ne peut pas sauver les gens malgré eux, et puis même, qu’est-ce que ça veut dire les sauver ?

Puis il y a l’attachement. Je crois que beaucoup de personnes voient le psy comme un outil. Et c’est très bien comme ça. Mais comme en fait on est un outil avec un cœur dedans, ben quand vous partez on est contents parce que vous allez mieux, puis on a un petit machin dans le ventre de ne plus vous voir. Parfois c’est justement le fait d’être vraiment humain, dans la relation qui est l’outil thérapeutique. Je me souviens de ce petit garçon de 6 ans, placé. Il ne savait pas parler, juste des balbutiements, parce qu’à la maison, avec sa famille nombreuse, il ne posait pas de problème. Et comme il ne posait pas de problème, on n’avait pas besoin de lui adresser la parole. C’était en institution et l’une de mes collègues et moi, au moment d’aller le border, nous restions un peu avec lui. Et ces moments étaient magiques parce qu’il nous parlait. Il s’animait, il en avait des choses à dire. On ne le comprenait qu’avec difficulté, mais ce n’étais pas grave, c’était tellement beau. Tout ça parce que nous avions décidé de mettre de l’humanité dans nos tâches quotidiennes. C’était il y a environ 15 ans, mais je me souviens encore de sa petite bouille (bon, il doit avoir fameusement changé maintenant !)
Tout ça pour dire que c’est comme une petite partie de ma bulle qui s’en va dans chacune des personnes qui reprennent leur route. Alors quel bonheur c’est de recevoir parfois des messages, des remerciements, des nouvelles, des personnes qui ont lu un article qui les a fait penser à moi. On sait que les routes se séparent parce qu’on leur a été utile à un petit moment dans la vie, mais on a connecté nos humanités. Et ça, qu’est-ce que c’est beau !

 

Et bien voilà qu’en fait, un psy est un être humain comme les autres. (Révélation !) Avec des failles, des faiblesses, un vécu, des valeurs, puis un cœur gros comme ça. Et il a appris à ne pas sombrer dans ces sentiments, à sortir de la bulle régulièrement, en prenant de la hauteur, pour voir ce qui se passe et aiguiller les personnes, pour ne pas se regarder le nombril quand ça ne correspond pas à ses valeurs, parce que là, ses valeurs, on s’en fiche un peu. Sauf la bienveillance, gros mot à la mode, mais si beau : voir le positif en chacun, pour l’aider à faire ressortir le meilleur de lui-même, selon les critères et besoins de la personne et pas ce que le psy croit être le meilleur pour elle !
Puis parfois, le psy, il a une barbe aussi.
Et de temps en temps il fait mhmh quand même.


Et vous, quelles sont vos expériences avec les psy ? Avez-vous pu entrevoir l’humanité derrière le cahier ? Les yeux qui brillent ? Des éclats de rire ?
Et si vous êtes psy/professionnels de la relation d’aide, quelles sont vos anecdotes, vos plus grosses émotions ?
Venez nous raconter en commentaire.

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