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2020-02-24T09:04:38+01:00

Aimer son enfant : une évidence. Ou pas !

Publié par Florence Beuken

Ma fille était aimée, attendue. Très. Cela faisait 3 ans que nous avions ce projet d'enfant, j'avais fait trois fausses couches, ça avait été dur. Très.
Elle était là, enfin. Pendant ma grossesse, nous avions fait de l'haptonomie, je lui parlais, je chantais. J'avais un projet de naissance, tout était prêt pour elle. C'était le bonheur.
Quand je l'ai vue, enfin, mon premier regard sur elle, les yeux plein de larmes, je me suis dit "mon dieu, on dirait un alien". Et je me suis tout de suite détestée d'avoir pensé ça.

Certes elle était "grande préma", elle pesait à peine plus d'un kilo. Moi j'avais frôlé la mort et je devais être bourrée de médicaments. D'ailleurs, je n'avais rencontré ma fille que le lendemain, transportée dans mon lit d'hôpital. 
Mais n'était-on pas censée, en tant que mère, trouver notre enfant magnifique? Le plus beau du monde? L'aimer dès le premier regard? Ce fameux instinct maternel...

Quand je l'ai prise dans mes bras la première fois, je ne me suis pas sentie à l'aise du tout. Je ne savais pas quoi faire, c'était bien plus simple quand elle était dans mon ventre ! Son papa s'en sortait bien mieux que moi. Ça me faisait culpabiliser encore plus.

Premiers jours, je suis perdue


Je me suis remise peu à peu, passant de mon lit de réanimation à la chaise roulante en maternité, puis pouvant marcher, plus ou moins, accrochée aux rampes. Plus le temps avançait, plus j'avais envie d'aller la voir, et plus je restais. 
"Bonjour maman de Valentine" clâmaient à chaque fois les infirmières. Je trouvais ça ridicule, et en même temps cela me permettait de me sentir mère. Cette identité, cette part de moi, était reconnue, avant même que je la ressente moi-même.
Puis l'entrée dans la salle de néonat me renvoyait comme une gifle "Une mère reconnaîtrait les pleurs de son enfant entre mille. Moi je ne reconnais même pas ceux de ma fille entre dix."

Honnêtement, je ne sais pas qui a inventé cette grandes croyances, mais il devait être bien sadique.

Je me sentais tellement mal, à la fois pour ce traumatisme personnel et pour cette difficile entrée dans la vie de mère, que j'ai envoyé bouler la personne qui est venue me proposer son aide. La psy de l'hôpital. 
Bon, je reste aujourd'hui persuadée qu'elle s'y est mal prise : elle me l'a proposée, comme ça, directement, violemment. "Ce que vous traversez est difficile, vous voulez en parler?" Je ris aujourd'hui de ma réponse, après en avoir eu honte quelques années, tellement j'ai été dédaigneuse : "J'étudie en ce moment la victimologie et le stress post traumatique. Comme j'aime faire les choses à fond, je l'étudie aujourd'hui de l'intérieur. ça ira, merci !" 
J'en ris mais je déplore aussi que personne n'ait pu voir derrière ce genre de réponse, ni elle, ni les infirmières, ni mon mari, que j'allais vraiment très mal.



Tellement mal, que 6 mois plus tard, je me faisais la malle. Adieu le mari, adieu la belle maison, adieu mes chiens et chat. Je suis partie sans me retourner "parce que je voulais vivre, découvrir de nouvelles choses, de nouveaux horizons, et non plus rester planplan comme mon mari".  J'ai perdu ma meilleure amie, aussi, qui en a dû en avoir marre que je me renferme sur "moi et mes nouvelles expériences".
Il m'a fallu près de dix ans pour comprendre qu'en réalité, plus que vouloir vivre, je voulais fuir. Fuir tout ce qui me rappelait ce moment difficile. J'étais en dépression. 

Ma fille est restée deux mois en néonat. Je passais mes journées là bas, assise dans ce gros fauteuil à côté de sa couveuse, à la garder contre ma peau. J'avais l'impression de retrouver la fusion de la grossesse. Je pleurais. Je lui parlais. Je lui racontais le début de sa vie. J'essayais de lui dire que je l'aimais aussi. Mais ça a pris du temps, au début mes mots restaient coincés dans ma gorge, je me sentais ridicule.

Accompagnée par les infirmières, j'ai appris à entrer en contact avec elle, lui prodiguer les soins, la masser... L'assistante sociale du service a pu poser des mots qui m'ont marquée et m'ont déculpabilisée. Elle le sait aujourd'hui car j'ai tenu à la remercier, 14 ans plus tard : sa douceur et sa bienveillance ont contribué au lien que j'ai aujourd'hui avec Valentine et à la confiance en moi que j'ai par rapport à ce rôle de maman.
J'avais besoin d'un accompagnement plus que d'une aide de wonderpsy, parce qu'une aide ça m'enfonçait encore plus dans mon sentiment d'incompétence.

Un bon mois plus tard, la communication est possible


Et surtout cette expérience m'a aidée à comprendre que non, l'instinct maternel n'existe pas. La relation à son enfant, c'est quelque chose qui se construit, peu à peu. Plus vite pour certaines que pour d'autres. Autant pour le père que pour la mère.


Ne pas y arriver de suite ne fait pas de vous de mauvais parents. 
Certains auront des histoires extraordinaires à raconter, j'avoue en avoir eu aussi, par la suite. Mais devoir se centrer sur soi, avant de faire connaissance peu à peu avec son enfant, en est une aussi, d'histoire extraordinaire. Et je pense qu'il y en a bien plus que d'histoires de coups de foudre à la naissance.

Je ne pensais jamais raconter cette histoire (quoique je l'ai fait sous un pseudonyme pour un article de magazine il y a quelques années), encore moins sur un blog où j'ai ma casquette de pro.
Mais lire le témoignage d'une amie, sur les réseaux sociaux il y a quelques jours, connaître quelques histoires autour de moi, souvent confiées en secret, me fait dire qu'il est temps d'oser dire que la maternité n'est pas innée (pour le papa, on le sait, ce serait même le travail d'information inverse qui serait nécessaire), que parfois c'est difficile, voire très difficile. 
Mon histoire a moi se résout plutôt pas mal, et rapidement, du moins en ce qui concerne le lien mère-enfant.

Pour d'autres c'est plus difficile, comme cette amie qui me confiait avoir mis deux ans avant de réussir à accepter puis aimer sa fille. Mais je crois que je dois mon salut à la gravité de notre état de santé à toutes les deux, et au fait que nous ayons été prises en charge longtemps à l'hôpital, au sein d'une équipe de néonat extraordinaire et dans une bienveillance incroyable. Quand je vois les dégâts sur ma vie de femme, je n'ose même pas imaginer ce que cela aurait donné si je m'étais retrouvée seule à la maison avec mon bébé 3 ou 4 jours après l'accouchement.

J'espère, par ce billet, sensibiliser les personnes à la difficulté maternelle. A la fois parce que je suis persuadée que savoir que cela existe permet de chercher de l'aide plus facilement si cela nous arrive. Mais aussi parce que je pense que cela est trop méconnu et passe inaperçu aux yeux de l'entourage qui se dit souvent "elle est fatiguée, c'est normal, ça va passer". Soyez attentifs aux signes, soyez là, à côté. 

 

 



Pour ne pas rester seule, vous pouvez contacter l'association Maman Blues qui propose des groupes de parole un peu partout en France et en Belgique.
Vous trouverez d'ailleurs sur leur site l'article que j'avais écrit pour le magazine Femmes d'aujourd'hui, et où je me suis renommée Fabienne :D

 





 

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